Rome, le 15 octobre 2025Votre Altesse, Roi Abdallah II de Jordanie ;Madame la Première Ministre d’Italie ;
Excellences, Mesdames, Messieurs.
C’est avec un légitime sentiment d’espoir que je prends la parole ici, à Rome, cité millénaire de ponts et de pactes.
Je salue la tenue de cette importante réunion qui nous permettra de nous pencher sur le terrorisme, un véritable fléau qui n’épargne aucune nation.
J’exprime mes vifs remerciements aux autorités italiennes pour les facilités logistiques et protocolaires offertes en vue du bon déroulement de cette réunion de haut niveau.
Le Processus d’Aqaba, est un cadre d’échanges internationaux sur l’extrémisme.
Il constitue une initiative judicieuse eu égard à la nécessité d’une coopération internationale forte face à ce phénomène criminel, mutant et transnational.
Pour cela, je voudrais rendre un hommage appuyé à Son Altesse Royale, le Roi Abdallah II, père fondateur de cette initiative lumineuse, mais aussi à la Première Ministre Madame Giorgia Meloni et son gouvernement pour le leadership et l’engagement dont l’Italie fait montre.Mesdames et Messieurs ;
Je voudrais rappeler, sommairement, les causes de ce fléau du terrorisme dont nos pays subissent les conséquences néfastes :
L’envahissement de l’Afghanistan s’est soldé par l’établissement d’une base solide à ALQAIDA pour opérer ses crimes odieux un peu partout dans le monde.
Le changement de régime par la force en Iraq, notamment l’assassinat du Saddam Hussein a engendré l’avènement de DAESH et ses cruautés inhumaines qui ont endeuillé de milliers de familles dans le monde.
L’assassinat du guide libyen Ghadafi a ouvert la voie à la création de plusieurs mouvements terroristes qui ont semé et sèment aujourd’hui encore, la mort dans plusieurs pays du Sahel.
Le renversement du régime soudanais d’Oumar Al Béchir a provoqué l’effondrement du Soudan, suivi d’un drame humanitaire et sécuritaire de grande échelle.
Le néant créé au Soudan a également contribué au renforcement de mouvements extrémistes comme la secte terroriste Boko Haram.
C’est pour dire que le terrorisme est né, en grande partie, de faits et gestes attribuables aux pays puissants qui se sont permis d’envahir des pays fragiles, de violer la souveraineté des États, de changer des régimes par la force brute, d’imposer leurs agendas et de créer le néant et le chaos qui ont effacé tout ordre établi.
Le vide institutionnel au sommet des États et le désordre systémique créés au sein de populations de pays livrés au chaos, se sont ajoutés au sous-développement, la pauvreté, l’ignorance et l’absence de perspectives qui accablent déjà ces États, pour créer les conditions propices à l’éclosion du grand banditisme sous toutes ses manifestations : criminalité transfrontalière, trafic des êtres humains, des armes, des munitions, des drogues, émigration clandestine et insécurité généralisée, pour ne citer que ceux-là.Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes réunis pour assumer ensemble une responsabilité collective : celle d’agir face à un fléau qui mutile des vies, pulvérise des nations et défie l’ordre international.
Notre région le Sahel et mon pays le Tchad ne font pas exception à la déferlante terroriste qui continue d’étendre ses tentacules et de diversifier son mode opératoire pour faire toujours plus de destructions.
Les groupuscules terroristes ont conquis des territoires, diversifié leurs financements, modernisé leurs équipements et adapté leur doctrine.
Pendant que la menace grandissait et s’enracinait la réponse internationale n’a pas toujours été à la hauteur, ni dans sa nature, ni dans son ampleur, moins encore dans sa durée.Le Tchad est en première ligne de cette guerre asymétrique.
Il est non seulement une victime mais surtout un acteur majeur de la résistance contre la barbarie terroriste.
Face aux organisations terroristes qui ne connaissent ni barrières spatiales, ni limites morales, le Tchad n’a pas attendu que le danger frappe à ses portes. Il est allé l’affronter là où il se trouvait.
En effet, dès janvier 2013, nos troupes sont montées à des milliers de kilomètres de leur base afin de stopper l’avancée fulgurante d’ALQAIDA dans les sables mouvants du Nord-Mali.En 2021, nous avons envoyé 1.200 de nos soldats à Téra au Niger, dans la zone de trois frontières, dans le cadre du G5 Sahel.
Nous avons combattu Boko Haram dans le bassin du Lac Tchad, ALQAIDA en Afrique de l’Ouest, et participé à toutes les opérations régionales de sécurisation.J’ai moi-même marché sur ces terrains de guerre.
J’ai vu l’engagement et la détermination de vaillantes forces armées tchadiennes qui n’ont jamais reculé. Elles ont agi avec force et conviction pour affronter les terroristes.
Leurs actions héroïques ont conduit au démantèlement des bastions terroristes et à la récupération de renseignements cruciaux.
Malgré ces succès incontestables sur les champs de bataille, nous n’avons pas encore gagné la guerre contre les groupuscules terroristes qui se réorganisent en permanence pour poursuivre leur dessein destructeur.
Mesdames et Messieurs ;
Aussi longtemps que l’extrémisme n’est pas privé de sa source principale qu’est l’absence de perspectives, la propagande terroriste trouvera toujours des oreilles réceptives et continuera de drainer dans ses sillages des flots inépuisables de jeunes.C’est terrifiant mais c’est la dure réalité que nous devons intégrer dans toutes nos approches.Le projet politique des organisations terroristes, particulièrement celles qui opèrent au Sahel et au Lac Tchad est connu de tous.
Il s’agit pour elles de vaincre les structures étatiques en place, de prendre le contrôle des territoires et d’y établir, par la terreur, une nouvelle forme d’organisation sociétale fondée sur la radicalisation.Une telle menace existentielle essaie de planter aujourd’hui, ses racines dans une partie du monde pour mieux étaler ses branches dans le reste de ce monde.
C’est dire que le monde est appelé à plus de solidarité non pas par simple charité mais par nécessité vitale.
La guerre contre le terrorisme que nous menons dans le Sahel et dans la région du Lac Tchad, nous la menons avec notre sang mais nous la menons au bénéfice de toute l’humanité.
Des réponses à l’échelle nationale, régionale et mondiale ont été ébauchées mais aucune n’a donné les résultats espérés comme l’atteste la persistance des attaques terroristes dans la sous-région.
Les multiples opérations des forces nationales, le G5 Sahel, la Force Mixte multinationale et les Missions onusiennes ne sont pas parvenus à éradiquer ce phénomène criminel de grande envergure.Nous le disons clairement : il faut un nouveau pacte sécuritaire régional.
Une force commune Sahel-Lac Tchad, avec des mandats robustes, des moyens adaptés, un commandement unifié, et un appui international garanti.Aujourd’hui, nos attentes sont claires :Une reconnaissance tangible de notre rôle.
Les discours de soutien doivent désormais se traduire en engagements financiers, logistiques et politiques concrets.
Un soutien accru à nos capacités de défense et de renseignement.Une solidarité réelle envers les Etats d’accueil. Nous hébergeons plus de deux millions de réfugiés, la plupart, des Soudanais mais aussi des Centrafricains, des Camerounais, des Nigérians.
Chaque camp, chaque abri, chaque école construite pour ces victimes est un rempart contre la radicalisation.
Votre Altesse, Excellences, Mesdames, Messieurs,La lutte contre le terrorisme, le grand banditisme et l’émigration clandestine ne se gagne pas seulement sur le champ de bataille. Elle se joue aussi dans les écoles, dans les campagnes, dans les foyers de jeunesse sans perspective.
Nous devons agir pour couper les racines de ce fléau en intégrant dans notre action les questions de développement, ce qui évitera la récupération de la jeunesse par les terroristes, les trafiquants et les réseaux qui commercent sur l’émigration clandestine.
C’est pourquoi le Tchad a lancé son Plan National de Développement (Tchad Connexion 2030) pour bâtir un avenir stable, inclusif et prospère.Ce plan, axé sur l’innovation, la gouvernance, les infrastructures et la jeunesse, est une réponse stratégique à l’instabilité.
Mais, il a besoin des partenaires, non de promesses.Du 10 au 11 novembre 2025, à Abu Dhabi, nous organiserons une Table ronde internationale pour mobiliser les ressources nécessaires.
Nous appelons tous ceux qui croient encore que prévenir vaut mieux que guérir à se joindre à cette dynamique.Nous y allons proposer un partenariat. Un partenariat qui rompt avec le vieil paradigme de l’assistanat.
Un partenariat mutuellement bénéfique.A notre avis, le développement est le seul rempart efficace durable au terrorisme.
Enfin, comment ne pas évoquer la préoccupation du changement climatique, qui accélère les famines, les conflits et les déplacements. Climat et sécurité sont les deux faces d’un même défi existentiel.
Votre Altesse, Excellences, Mesdames, Messieurs,Nous sommes à la croisée des chemins. Soit, nous construisons aujourd’hui, notre demain, soit nous subirons ensemble les conséquences de notre inaction.
Le Tchad est prêt. Il est debout. Il avance. Il propose. Il agit.
Notre stabilité est la vôtre. Notre avenir est une responsabilité partagée. Faisons de cette Déclaration de Rome un tournant.
Non pas une rencontre de plus, un sommet des discours mais un signal fort avec des actes concrets.Je vous remercie !

